
Le sommeil est un processus biologique complexe et rythmé qui occupe près d'un tiers de notre vie. Loin d'être un simple état d'inconscience, il s'organise en cycles successifs, chacun composé de plusieurs phases aux caractéristiques distinctes. Ces cycles déterminent la qualité de notre repos et influencent directement notre santé physique et mentale. La durée d'un cycle de sommeil varie selon plusieurs facteurs physiologiques et environnementaux, mais suit généralement un schéma prévisible qui évolue tout au long de notre existence. Comprendre ces mécanismes permet non seulement de mieux appréhender nos besoins en sommeil, mais aussi d'identifier d'éventuels troubles qui pourraient affecter notre bien-être quotidien. Décrypter la structure temporelle de nos nuits révèle une mécanique fascinante, où chaque phase joue un rôle spécifique dans la récupération de notre organisme.
La structure d'un cycle de sommeil complet
Un cycle de sommeil représente l'unité fondamentale de notre repos nocturne. Il s'agit d'une séquence ordonnée de phases qui se répète plusieurs fois durant la nuit. Cette organisation cyclique n'est pas le fruit du hasard mais répond à des besoins physiologiques précis de récupération, de mémorisation et de régulation hormonale. Chaque cycle commence par un stade d'endormissement et progresse vers des phases de sommeil de plus en plus profondes avant de remonter vers un sommeil plus léger puis paradoxal.
La durée moyenne d'un cycle complet chez l'adulte se situe entre 90 et 110 minutes. Au cours d'une nuit typique de 8 heures, nous traversons généralement 4 à 6 cycles consécutifs. L'architecture de ces cycles n'est pas uniforme : les premiers cycles de la nuit contiennent davantage de sommeil profond, tandis que les derniers sont plus riches en sommeil paradoxal. Cette distribution n'est pas aléatoire mais répond à une logique biologique de priorité des besoins récupérateurs.
L'enchaînement des différentes phases au sein d'un cycle suit une progression relativement constante, évoluant du sommeil léger vers le sommeil profond, puis vers le sommeil paradoxal. Cette succession crée ce que les spécialistes appellent l' architecture du sommeil , visible sur un hypnogramme, représentation graphique obtenue lors d'un examen polysomnographique. Cette architecture peut être perturbée par divers facteurs comme le stress, certains médicaments ou des pathologies spécifiques.
Le sommeil n'est pas un état unique mais une succession organisée de phases différentes, chacune caractérisée par des activités cérébrales et physiologiques spécifiques essentielles à notre récupération quotidienne.
Les 4 phases du cycle de sommeil selon la classification AASM
Selon la classification de l'American Academy of Sleep Medicine (AASM), adoptée depuis 2007, le cycle de sommeil se divise en quatre phases distinctes : N1, N2, N3 et le sommeil paradoxal (également appelé phase REM, pour Rapid Eye Movement). Chaque phase présente des caractéristiques électrophysiologiques spécifiques qui peuvent être observées par électroencéphalographie, électrooculographie et électromyographie lors d'un examen polysomnographique.
Cette classification a remplacé l'ancienne nomenclature de Rechtschaffen et Kales qui comportait cinq stades. Le principal changement a été la fusion des anciens stades 3 et 4 en un seul stade N3, correspondant au sommeil lent profond. Cette simplification reflète mieux la continuité physiologique entre ces phases autrefois distinctes, tout en conservant la distinction essentielle entre sommeil lent (non-REM) et sommeil paradoxal (REM).
L'identification précise de ces phases repose sur l'analyse de trois paramètres principaux : l'activité électrique cérébrale, les mouvements oculaires et le tonus musculaire. Ces marqueurs biologiques permettent de caractériser objectivement les différents états de conscience qui se succèdent durant notre sommeil et d'en évaluer la qualité ou les éventuelles perturbations pathologiques.
Phase N1 : l'endormissement et ses caractéristiques électroencéphalographiques
La phase N1 constitue la porte d'entrée du sommeil, une transition entre l'éveil et le sommeil confirmé. Durant cette période, qui représente environ 5% du temps de sommeil total chez l'adulte, la conscience de l'environnement s'estompe progressivement sans disparaître complètement. Sur le plan électroencéphalographique, cette phase se caractérise par le remplacement progressif des ondes alpha (caractéristiques de l'éveil calme) par des ondes thêta de fréquence plus lente.
Durant cette phase d'endormissement, le dormeur peut expérimenter des sensations particulières comme des impressions de chute ou des myoclonies hypniques - ces sursauts involontaires qui peuvent parfois nous réveiller en sursaut. Ces phénomènes sont parfaitement normaux et témoignent du relâchement progressif du tonus musculaire. La durée de cette phase initiale varie généralement entre 1 et 7 minutes chez un dormeur sans troubles du sommeil.
Cette phase reste très sensible aux stimulations extérieures : un bruit même léger, une variation de luminosité ou un simple effleurement peuvent facilement interrompre ce processus d'endormissement et ramener la personne à l'état d'éveil. C'est pourquoi l'environnement de sommeil joue un rôle crucial dans la capacité à franchir avec succès cette première étape du cycle.
Phase N2 : le sommeil léger et les fuseaux du sommeil
La phase N2 marque l'entrée dans le sommeil véritable. Elle représente une portion substantielle du sommeil total, environ 45 à 50% chez l'adulte. Sur le plan électroencéphalographique, cette phase se distingue par l'apparition de deux figures caractéristiques : les fuseaux du sommeil (ou sleep spindles) et les complexes K . Les fuseaux sont des bouffées d'ondes rapides (12-14 Hz) qui traduisent des mécanismes actifs de protection du sommeil contre les stimulations extérieures.
Durant cette phase, la température corporelle commence à baisser, le métabolisme ralentit et le tonus musculaire diminue progressivement. La respiration devient plus régulière et le rythme cardiaque se stabilise. Bien que plus stable que la phase N1, le sommeil en phase N2 reste relativement sensible aux perturbations environnementales importantes, mais les stimuli légers sont généralement filtrés grâce aux mécanismes protecteurs mentionnés précédemment.
Les fuseaux du sommeil
jouent un rôle crucial dans les processus de consolidation mnésique, particulièrement pour la mémoire procédurale et déclarative. Leur fréquence et leur amplitude font l'objet de nombreuses recherches car ils constituent des marqueurs de la plasticité cérébrale et pourraient être impliqués dans certains processus d'apprentissage nocturne.
Phase N3 : le sommeil profond et les ondes delta
La phase N3, également appelée sommeil lent profond ou sommeil à ondes lentes, représente la phase la plus récupératrice du cycle. Elle occupe environ 15 à 20% du temps de sommeil total chez l'adulte jeune, mais sa proportion diminue significativement avec l'âge. D'un point de vue électroencéphalographique, cette phase se caractérise par la prédominance d'ondes delta de grande amplitude (supérieure à 75 μV) et de basse fréquence (0,5-2 Hz).
C'est durant cette phase que l'organisme sécrète la majorité de l'hormone de croissance, essentielle à la réparation tissulaire et au développement. Le sommeil profond joue également un rôle prépondérant dans la consolidation de certains types de mémoire, notamment la mémoire déclarative qui concerne les connaissances et les faits. Le système immunitaire profite également de cette phase pour renforcer ses défenses.
Réveiller quelqu'un pendant la phase N3 s'avère particulièrement difficile et peut entraîner une inertie du sommeil - cet état de confusion et de désorientation temporaire qui survient après un réveil en sommeil profond. C'est également pendant cette phase que peuvent survenir certaines parasomnies comme le somnambulisme, les terreurs nocturnes ou l'énurésie, particulièrement chez l'enfant.
Phase de sommeil paradoxal (REM) et son rôle dans la consolidation mémorielle
Le sommeil paradoxal, ou phase REM (Rapid Eye Movement), tire son nom du contraste saisissant entre une activité cérébrale intense, proche de celle de l'éveil, et une atonie musculaire quasi-complète. Cette phase représente environ 20 à 25% du temps de sommeil total chez l'adulte. Elle se caractérise par des mouvements oculaires rapides sous les paupières fermées, une respiration et un rythme cardiaque irréguliers, ainsi que des érections péniennes chez les hommes et une augmentation de la lubrification vaginale chez les femmes.
C'est principalement durant cette phase que surviennent les rêves les plus élaborés et dont nous gardons le souvenir au réveil. L'activité onirique intense s'accompagne d'une paralysie physiologique qui empêche le dormeur de mettre en action le contenu de ses rêves. Lorsque ce mécanisme protecteur est défaillant, on observe des troubles comportementaux en sommeil paradoxal, où la personne peut "jouer" ses rêves, avec des risques de blessures.
Le sommeil paradoxal joue un rôle crucial dans la consolidation de la mémoire émotionnelle et procédurale, ainsi que dans l'intégration des nouvelles expériences au sein de nos schémas cognitifs préexistants. Il contribuerait également à la régulation émotionnelle en permettant le traitement des informations à forte charge affective vécues durant la journée.
Durée moyenne d'un cycle de sommeil selon l'âge
La durée des cycles de sommeil n'est pas constante tout au long de la vie mais évolue avec l'âge. Cette évolution reflète les changements physiologiques et neurologiques qui accompagnent notre développement depuis la naissance jusqu'à la vieillesse. Les mécanismes qui régulent cette évolution reposent principalement sur la maturation du système nerveux central et sur les modifications des rythmes circadiens au cours de la vie.
Il est important de souligner que ces changements dans la durée des cycles s'accompagnent également de modifications dans leur architecture interne. La proportion des différentes phases au sein d'un cycle varie considérablement selon l'âge, avec notamment une diminution progressive du sommeil lent profond au profit du sommeil léger au cours du vieillissement. Ces variations ont des implications importantes pour la qualité du sommeil et son pouvoir récupérateur aux différents âges de la vie.
Les besoins en sommeil total évoluent également avec l'âge, mais de façon non proportionnelle aux changements de durée des cycles. Ainsi, si un nouveau-né peut dormir jusqu'à 17 heures par jour avec des cycles courts, un adulte aura besoin de 7 à 9 heures de sommeil avec des cycles plus longs. Ces différences reflètent les besoins physiologiques spécifiques liés au développement et à la récupération à chaque étape de la vie.
Durée des cycles chez le nourrisson et l'enfant (40-60 minutes)
Chez le nourrisson, les cycles de sommeil sont nettement plus courts que chez l'adulte, avec une durée moyenne comprise entre 40 et 60 minutes. Cette brièveté s'explique par l'immaturité du système nerveux central et des mécanismes régulateurs du sommeil. Les nouveau-nés passent rapidement d'une phase à l'autre, avec une proportion élevée de sommeil paradoxal pouvant atteindre jusqu'à 50% du temps de sommeil total - une caractéristique unique qui souligne l'importance de cette phase pour le développement cérébral.
À mesure que l'enfant grandit, la durée des cycles s'allonge progressivement pour atteindre environ 60 à 70 minutes vers l'âge de 2-3 ans. Parallèlement, la proportion de sommeil paradoxal diminue graduellement tandis que le sommeil lent profond augmente, reflétant les besoins de récupération physique liés à la croissance rapide durant cette période. Les enfants d'âge préscolaire présentent encore des cycles plus courts que les adultes, avec une transition plus rapide entre les différentes phases.
Cette organisation particulière du sommeil chez l'enfant explique en partie pourquoi leurs réveils nocturnes sont plus fréquents : chaque fin de cycle représente une opportunité potentielle de réveil, et comme les cycles sont plus nombreux en raison de leur brièveté, les occasions de réveil se multiplient. À l'inverse, la proportion élevée de sommeil profond rend souvent ces réveils plus difficiles et peut être associée à des parasomnies comme le somnambulisme.
Évolution des cycles à l'adolescence (90-100 minutes)
L'adolescence marque une étape charnière dans l'évolution des cycles de sommeil, avec un allongement significatif de leur durée qui atteint progressivement 90 à 100 minutes, se rapprochant ainsi du schéma adulte. Cette transformation coïncide avec la puberté et les changements hormonaux qui l'accompagnent, notamment la sécrétion accrue de mélatonine et les modifications du rythme circadien. L'architecture interne des cycles évolue également, avec une diminution relative du sommeil profond et une stabilisation du pourcentage de sommeil paradoxal.
Une caractéristique notable du sommeil adolescent est le décalage de phase, un phénomène biologique qui induit une tendance naturelle à s'endormir et se réveiller plus tard. Ce retard de phase d'environ 2 heures par rapport à l'enfance est lié à une libération retardée de mélatonine le soir. Malheureusement, ce décalage entre l'horloge biologique et les contraintes sociales (horaires scolaires matinaux) conduit souvent à une dette de sommeil chronique chez les adolescents.
Durant cette période, les besoins en sommeil restent élevés (environ 8-10 heures) en raison des processus neurodéveloppementaux intenses, notamment l'élagage synaptique et la my
élinisation qui se poursuivent jusqu'au début de l'âge adulte. Cette combinaison de besoins élevés et d'horaires décalés explique pourquoi de nombreux adolescents souffrent de somnolence diurne excessive, avec des répercussions potentielles sur leurs performances scolaires et leur humeur.Le développement des lobes frontaux, qui se poursuit activement durant l'adolescence, influence également l'architecture du sommeil. L'évolution de ces structures cérébrales, associée aux modifications hormonales, contribue à remodeler les patterns de sommeil et à préparer la transition vers le modèle adulte plus stable qui s'établira progressivement.
Stabilisation des cycles chez l'adulte (90-110 minutes)
Chez l'adulte, les cycles de sommeil atteignent leur configuration mature avec une durée relativement stable comprise entre 90 et 110 minutes. Cette durée représente un équilibre optimal entre les différentes fonctions physiologiques et psychologiques du sommeil. L'enchaînement des 4 à 6 cycles nocturnes suit généralement un schéma prévisible, avec des premiers cycles plus riches en sommeil profond et des derniers cycles davantage dominés par le sommeil paradoxal.
L'architecture interne de chaque cycle présente également une certaine stabilité chez l'adulte en bonne santé. Le sommeil lent léger (N1 et N2) représente environ 55% du temps de sommeil total, le sommeil lent profond (N3) environ 15-20%, et le sommeil paradoxal 20-25%. Cette répartition peut néanmoins fluctuer en fonction de facteurs ponctuels comme la dette de sommeil préalable, l'activité physique ou intellectuelle de la journée, ou encore la prise de certaines substances.
Cette stabilité relative des cycles de sommeil adultes constitue un marqueur de bonne santé neurophysiologique. Des perturbations significatives de la durée ou de l'architecture des cycles peuvent signaler diverses pathologies du sommeil ou conditions médicales sous-jacentes. C'est pourquoi l'analyse des cycles de sommeil fait partie intégrante du diagnostic de nombreux troubles du sommeil chez l'adulte.
Modifications des cycles chez les personnes âgées (70-90 minutes)
Avec l'avancée en âge, la structure des cycles de sommeil connaît des transformations notables. Chez les personnes âgées, on observe généralement un raccourcissement de la durée des cycles, qui peut descendre à 70-90 minutes. Ce phénomène s'accompagne d'une fragmentation accrue du sommeil, avec des micro-éveils plus fréquents et une alternance moins fluide entre les différentes phases du cycle.
L'architecture interne des cycles subit également des modifications importantes : la proportion de sommeil lent profond (N3) diminue considérablement, pouvant représenter moins de 5% du temps de sommeil total après 70 ans. En parallèle, le sommeil léger (particulièrement le stade N1) augmente, rendant le sommeil plus vulnérable aux perturbations extérieures. Le sommeil paradoxal reste relativement préservé en proportion, bien que sa distribution au cours de la nuit puisse être modifiée.
Ces changements s'expliquent par plusieurs facteurs biologiques liés au vieillissement : modifications des neurotransmetteurs impliqués dans la régulation du sommeil, altérations du rythme circadien avec une avance de phase (tendance à s'endormir et se réveiller plus tôt), diminution de la sécrétion de mélatonine, et impact de diverses pathologies chroniques plus fréquentes avec l'âge. Ces transformations contribuent aux plaintes de sommeil souvent rapportées par les personnes âgées, comme les difficultés d'endormissement, les réveils nocturnes fréquents et la sensation d'un sommeil non récupérateur.
Variations individuelles dans la durée des cycles de sommeil
Au-delà des variations liées à l'âge, la durée des cycles de sommeil présente d'importantes différences interindividuelles. Ces variations peuvent être considérables, certaines personnes présentant des cycles significativement plus courts (80 minutes) ou plus longs (120 minutes) que la moyenne, sans que cela soit nécessairement pathologique. Ces différences reflètent la singularité de chaque individu dans l'organisation de son sommeil et s'expliquent par une combinaison de facteurs génétiques, environnementaux et comportementaux.
Il est essentiel de comprendre que ces variations individuelles constituent la norme plutôt que l'exception. La durée moyenne de 90-110 minutes représente une tendance centrale, mais n'est pas un standard absolu auquel tout individu devrait se conformer. Cette diversité physiologique explique en partie pourquoi les recommandations standardisées en matière de sommeil ne peuvent convenir uniformément à tous et pourquoi une approche personnalisée est souvent nécessaire en médecine du sommeil.
Ces variations individuelles expliquent également pourquoi certaines personnes peuvent se sentir reposées avec moins d'heures de sommeil que d'autres. Le nombre de cycles complets et leur organisation interne importent davantage que leur durée absolue. Ainsi, un individu avec des cycles naturellement plus courts pourrait théoriquement compléter plus de cycles dans un temps de sommeil équivalent.
Influence des chronotypes (lève-tôt vs couche-tard)
Le chronotype, cette préférence individuelle pour être actif plutôt le matin (type "alouette") ou le soir (type "hibou"), influence significativement l'organisation des cycles de sommeil. Les recherches en chronobiologie ont montré que les chronotypes ne diffèrent pas seulement par leurs horaires de coucher et de lever, mais aussi par la structure temporelle de leurs cycles de sommeil et la distribution des différentes phases au sein de ces cycles.
Les personnes de chronotype matinal (lève-tôt) tendent à présenter des cycles légèrement plus courts, avec une proportion plus importante de sommeil lent profond en début de nuit et un réveil qui coïncide généralement avec la fin d'un cycle complet. Cette synchronisation explique pourquoi ces individus se réveillent souvent spontanément, sans alarme, et se sentent rapidement alertes. À l'inverse, les chronotypes du soir (couche-tard) montrent généralement des cycles un peu plus longs, avec un pic de sommeil profond plus tardif et une plus grande proportion de sommeil paradoxal en fin de nuit.
Ces différences s'expliquent par des variations dans l'expression des gènes de l'horloge circadienne et dans la sécrétion de mélatonine, l'hormone du sommeil. L'avancée ou le retard de phase qui caractérise les différents chronotypes affecte non seulement les horaires préférentiels d'activité, mais module également finement la microstructure du sommeil et la durée intrinsèque des cycles.
Impact des polymorphismes génétiques sur les cycles (gènes CLOCK et PER)
Les recherches en génétique du sommeil ont mis en évidence l'influence déterminante de certains polymorphismes génétiques sur la durée et l'architecture des cycles de sommeil. Les gènes de l'horloge circadienne, notamment les gènes CLOCK, PER1, PER2, PER3 et BMAL1, jouent un rôle central dans cette régulation. Des variations dans ces gènes peuvent modifier la durée intrinsèque du cycle circadien, qui à son tour influence l'organisation des cycles de sommeil.
Particulièrement étudiés, les polymorphismes du gène PER3 ont été associés à des différences significatives dans la proportion de sommeil lent profond et de sommeil paradoxal. Les porteurs de certaines variantes génétiques présentent une architecture du sommeil distincte, avec des durées de cycles qui peuvent s'écarter sensiblement de la moyenne. Ces variations génétiques expliquent en partie pourquoi certaines personnes sont naturellement des petits dormeurs (moins de 6 heures) tandis que d'autres sont de grands dormeurs (plus de 9 heures), sans que cela ne constitue une pathologie.
D'autres gènes impliqués dans la régulation des neurotransmetteurs du sommeil (notamment l'adénosine, l'histamine et l'hypocretine) influencent également la durée des cycles et la transition entre leurs différentes phases. Cette cartographie génétique du sommeil est encore en construction, mais elle révèle déjà la complexité des mécanismes biologiques qui sous-tendent les variations interindividuelles observées dans les cycles de sommeil.
Facteurs physiologiques affectant la durée des cycles
Au-delà de la génétique, de nombreux facteurs physiologiques modulent temporairement ou durablement la durée des cycles de sommeil. L'état hormonal figure parmi les plus influents : les variations du cycle menstruel chez la femme peuvent modifier la distribution des phases de sommeil, avec notamment une diminution du sommeil paradoxal en phase prémenstruelle. De même, la grossesse s'accompagne généralement d'une fragmentation accrue des cycles et d'une diminution de leur durée moyenne, particulièrement au troisième trimestre.
La température corporelle, qui suit elle-même un rythme circadien, influence également la durée des cycles de sommeil. Les phases de sommeil profond sont favorisées lorsque la température centrale est en baisse, tandis que le sommeil paradoxal tend à survenir pendant les périodes de remontée thermique. Cette relation étroite explique pourquoi la thermorégulation nocturne (température ambiante de la chambre, couvertures) peut impacter non seulement l'endormissement mais aussi l'organisation temporelle des cycles durant la nuit.
L'état métabolique et nutritionnel joue également un rôle non négligeable. Des recherches récentes suggèrent que certains nutriments et le timing des repas peuvent modifier l'architecture du sommeil. Par exemple, un repas riche en glucides consommé plusieurs heures avant le coucher tend à augmenter la proportion de sommeil lent profond, potentiellement en influençant la sécrétion d'insuline et les niveaux de tryptophane, précurseur de la sérotonine et de la mélatonine.
Distribution des cycles au cours d'une nuit complète
L'enchaînement des cycles durant une nuit complète ne suit pas un schéma uniforme mais présente une évolution dynamique. Lors d'une nuit typique de 8 heures, on observe généralement 4 à 5 cycles consécutifs dont la composition interne évolue progressivement. Cette distribution non homogène des cycles répond à des impératifs biologiques précis et reflète l'organisation hiérarchique des fonctions du sommeil.
Les deux premiers cycles de la nuit se caractérisent par une forte proportion de sommeil lent profond (N3), pouvant représenter jusqu'à 40% de leur durée totale. Cette prédominance initiale du sommeil profond répond au besoin prioritaire de récupération physique et neurologique après la période d'éveil. En revanche, la proportion de sommeil paradoxal y est relativement faible, généralement moins de 15% du cycle.
À mesure que la nuit avance, on observe un renversement progressif de cette distribution. Les troisième et quatrième cycles contiennent significativement moins de sommeil profond, mais une proportion croissante de sommeil paradoxal qui peut atteindre 25-30% dans les derniers cycles. Cette augmentation progressive du sommeil paradoxal en fin de nuit explique pourquoi les rêves dont nous nous souvenons proviennent souvent des dernières heures de sommeil, juste avant le réveil.
L'organisation temporelle du sommeil n'est pas le fruit du hasard mais reflète une hiérarchisation des besoins biologiques : récupération physique prioritaire en début de nuit, puis consolidation mémorielle et régulation émotionnelle plus marquées en fin de nuit.
Perturbations pathologiques de la durée des cycles de sommeil
Diverses conditions médicales et troubles du sommeil peuvent altérer significativement la durée normale des cycles et leur architecture interne. Ces perturbations contribuent non seulement à la fragmentation et à la non-restauration du sommeil, mais peuvent également constituer des marqueurs diagnostiques importants pour identifier certaines pathologies. L'analyse polysomnographique permet de quantifier précisément ces anomalies et d'orienter la prise en charge thérapeutique.
Les perturbations pathologiques peuvent affecter la continuité des cycles (interruptions prématurées), leur durée intrinsèque (cycles anormalement courts ou longs), ou modifier profondément leur composition interne (disparition ou réduction d'une phase spécifique). Ces anomalies ont généralement des répercussions significatives sur la qualité subjective du sommeil et sur le fonctionnement diurne des patients affectés.
Les traitements visant à normaliser la durée et l'architecture des cycles constituent un objectif thérapeutique majeur en médecine du sommeil. Cependant, la complexité des mécanismes régulateurs impliqués rend souvent cette normalisation difficile à obtenir avec les approches conventionnelles, nécessitant des stratégies personnalisées combinant interventions médicamenteuses et comportementales.
Apnée du sommeil et fragmentation des cycles
Le syndrome d'apnée obstructive du sommeil (SAOS) constitue l'une des causes les plus fréquentes de perturbation des cycles. Les épisodes répétés d'obstruction des voies aériennes supérieures provoquent des micro-éveils qui fragmentent les cycles et empêchent leur déroulement physiologique normal. Cette fragmentation est particulièrement délétère pour le sommeil profond et le sommeil paradoxal, qui voient leur proportion considérablement réduite.
Chez les patients apnéiques, on observe typiquement des cycles incomplets et de durée irrégulière. Les transitions entre les différentes phases deviennent abruptes et désorganisées, avec de fréquents retours au stade N1 ou même à l'éveil après chaque événement respiratoire. Cette architecture en dents de scie explique pourquoi ces patients se plaignent d'un sommeil non récupérateur malgré une durée totale de sommeil parfois normale.
Le traitement par pression positive continue (PPC) permet généralement une restauration progressive de l'architecture normale des cycles. Les études polysomnographiques comparatives avant/après traitement montrent une augmentation significative de la durée moyenne des cycles et un rétablissement des proportions physiologiques entre les différentes phases, particulièrement pour le sommeil paradoxal qui constitue un marqueur sensible de l'efficacité thérapeutique.
Syndrome de narcolepsie et perturbation du sommeil paradoxal
La narcolepsie se caractérise par une désorganisation profonde des mécanismes régulateurs du sommeil paradoxal. Cette pathologie, liée à un déficit en hypocrétine/orexine, entraîne une réduction dramatique de la latence d'apparition du sommeil paradoxal. Chez les patients narcoleptiques, cette phase peut survenir directement après l'endormissement (Sleep Onset REM Periods ou SOREMPs